Alien
ou le 8ème passager : La psychanalyse
Il y a des films comme ça que vous voyez sans a priori
et qui parlent à ce qu’il y a de plus profond en vous. Pour
moi Alien fut une révélation mystique, je l’ai vu la
première fois à la télé aux USA, j’avais 13 ans et, malgré
les pubs tous les quarts d’heure et le barrage de la langue,
j’ai senti une magie, une dimension profonde. J’ai attendu
sa rediffusion au cinéma pour pouvoir, d’une part, vérifier
ce ressenti et, d’autre part, voir si ce n’était pas qu’un
enthousiasme pubère gonflé d’américanisme. …Le choc… le fond
et la forme…les suggestions… mais surtout cette dimension
psychanalytique. Pauvres bonhommes qui se perdent dans des
méandres, des tunnels utérins, qui enfantent malgré eux et
en meurent violemment.
Alien
ce fœtus qui se rebelle... contre qui ? Contre quoi ?…. Aucune
reconnaissance paternelle !!! L’enfant-de-l’-homme devient
prédateur et non plus proie. Le cycle de reproduction…d’abord
un œuf puis un embryon .. Ne serait-ce pas la condition humaine
? Mais quand il doit se débattre et crever la cage thoracique
(faute d’utérus et de vagin), pour s’échapper, cela relève
plus de la condition de l’homme à ne pas pouvoir procréer
et s’il le fait à devoir en mourir atrocement.
L’univers
d’Alien est terriblement féminin, les décors, l’étranger
lui-même…vous avouerez qu’il ressemble plus à un succube qu’à
Hulk !! Les hommes meurent évidemment mais alors pourquoi
seule Ripley en réchappe ? Peut-être que sa co-équipière est
enfermée dans son état de femme dépendante de l’homme ? Elle
ne sait que suivre le mâle … cela la perdra face au monstre…moment
de vérité. Et Ash l’humanoïde alors ? Il n’est pas confronté
à la bête car il ne représente rien d’humain, rien de masculin.
Par contre lui et la bête marchent sur des sentiers parallèles,
Ash doit ramener le monstre sous des motifs bassement mercantiles
et militaires..mais sa vénération pour l’Alien en dit plus.
Il
aimerait être elle, régler ses comptes avec l’humanité et
le manque d’humanité que l’homme lui a donné…Il veut prendre
sa revanche comme « l’Etranger » en somme. L’homme
est persuadé qu’il contrôle sa création et la vie qui va avec
mais qu'en est-il lorsque celle-ci lui fait payer le prix
de sa vanité ? Et Ripley alors ? Pourquoi ne meurt-elle pas
? Sans doute car elle ne correspond pas à cette création de
l’homme, elle n’est pas le modèle de la femme que l’homme
a façonné.. Elle est indépendante de lui, rebelle à
la représentation mentale qu’il a d’elle. Elle ne se complaît
pas dans le rôle de « sous-femme »que lui a donné l’homme.
Elle ne respire pas la sensualité vouée à l’homme. D’ailleurs,
posez vous la question quand vous reverrez le film.. vous
la voyez comment Ripley ?…Comme une femme battante, comme
un homme ou 3ème possibilité comme un être asexué ? Honnêtement,
la dernière réponse semble la plus commune… Est –elle désirable
?…Un être asexué est plus rassurant en effet !!! Pourtant
Ripley est libérée de ce carcan, elle est libre.. c’est une
Femme qui ne se perd pas dans cette procréation qui englue
le reste de l’humanité. Ce n’est heureusement pas non plus
une surfemme … ce serait trop facile !!! Elle survit car quand
elle se retrouve dans cette pièce confinée ,espace qu’affectionne
particulièrement l’Alien (tous les membres de l’équipage ont
été massacrés dans des « utérus »), elle le rejette et le
vainc.
Aliens
: Les surhommes (militaires)
Puisque les hommes n’ont pas vaincu la bête … envoyons lui
les surhommes. Cet épisode est moins psychanalytique que le
premier .. bien sûr il y a toujours l’antre utérine
de la bête ..des bêtes et, surtout, il y a ces militaires
(mâles et femelles) armés de leurs phallus hyperpuissants,
mais le scénario tend à « sensualiser » Ripley … N’a-t-elle
pas peur d’y retourner ? N’est-elle pas désirable et amoureuse
du lieutenant ? Et surtout ne devient-elle pas "Maman"
sans enfanter ?
L’action
est ce qui domine ce film… plus d’aliens donc plus de combats
et moins de profondeur pour Ripley. Nous voyons dans cette
épisode poindre le mythe de la surfemme, celui là même qui
tue la Femme. Ripley doit se battre contre la reine des aliens
et ce combat devient non pas le « Choc des Titans » mais le
« Choc des supermamans ». Ripley gagne car elle doit défendre
sa progéniture..
Alien3
: Sombre et masculin
Ripley
est désormais une femme sensuelle même si on préserve les
apparences (on ne va pas tout détruire aussi lourdement !)
en lui rasant le crâne. Phénomène nouveau, sa sensualité transpire
la sexualité, elle est au centre des désirs des hommes, bien
sûr ceux-ci sont des prisonniers qui n’ont pas vu une
femme depuis longtemps !!! Elle devient tellement femme qu’elle
est enceinte d’un alien… comble de
l’annihilation !! On sent la fin de la Femme toute proche
.. Il est évident qu’elle finira mal, elle ne peut plus se
battre puisque ses armes lui ont été confisquées par la masculinité..
mais elle prendra sa revanche.
Dans un dernier sursaut de Femme libre, elle se suicidera
et tuera son bébé… C’était la moindre des
choses !!! Je tiens à remercier la personne qui a écrit le
scénario car non seulement il s’approprie le mythe mais il
annihile Ripley et ce qu’elle était… Je parie que le scénariste
est un homme !!!!!
Alien-
La Résurrection : Adieu la Femme…
Bonjour le rêve
On
a créé une surfemme.. Ripley, la Femme libre, est bien
morte.. Mais on se contentera de l’autre… La Femme ne peut
pas exister, alors faisons rêver et rassurons les plus anxieux..
ça n’existe pas une surfemme !! Il faut désormais comprendre
que notre Ripley n’est plus.. mais qu’une autre prend sa place..
un ersatz .. Adieu la Femme , bonjour Terminator… Super Ripley
acquiert une dimension irréelle, elle est froide, méthodique,
invinsible… le rêve quoi !!! Cela marche plutôt bien et cela
assouvit quelques fantasmes de revanche sur la gente masculine
mais rappelez moi le propre du fantasme….. c’est « l’irréalisation
»…Bien vu le scénariste.. Par contre pour la fin granguignolo-américaine..
J.P Jeunet tu repasseras !!!! Non seulement ils ont tué la
Femme mais ils ont massacré le mythe.. Bravo les mecs !! On
attend
« Alien V » en sachant qu’une page est tournée et que nous
aurons désormais un rêve et non plus une révélation.
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Nadège
Cavigioli
Avril 2001 |
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