Surfant
sur la vague des nouveaux groupes à guitares (The Strokes,
The Vines, The Hives...), The Music et The Libertines ont
sorti, à quelques mois l'un de l'autre, deux des disques
les plus excitants de l'année 2002. Etudiants fidèles,
mais géniaux, de l'histoire du rock anglais, les premiers
louchent du côté des sautillants Stone Roses,
les seconds du monument The Clash. Deux albums à écouter
fort, vite et... longtemps.
The
Music : I'm the resurrection
Précédé
d'une poignée de singles et surtout d'un buzz énorme,
" The Music ", album éponyme du groupe de
Leeds, est sorti au début du mois de septembre. "
Depuis combien de temps le rock avait-il oublié de
faire danser ses guitares ? " s'interrogent d'emblée
les premiers titres, notamment le bien nommé The
Dance et surtout Take the long road and walk it,
au groove lancinant, sur lequel Robert Harvey, le chanteur
du groupe, se permet quelques breaks au phrasé dévastateur.
L'album recèle d'ailleurs d'autres coquetteries vocales
toujours très efficaces et bienvenues, notamment sur
les refrains de The People, taillés pour être
repris en choeur et faire transpirer dans la fosse lors des
concerts bondissants du groupe.
Au-delà de ses singles rutilants, The Music se distingue
aussi par une " patte ", le son exceptionnel forgé
par la guitare explosive d'Adam Nutter. Parfois traînante
(The Dance), toujours efficace, précise malgré
une débauche d'effets (The People), amoureuse
des petits riffs assassins (The Truth is no words, le meilleur
titre de l'album), d'une wah-wah très 70's, comme des
nappes travaillées au vibrato. Les Stone Roses et l'immense
John Squire ne sont pas loin, encore que les membres de The
Music sont sans doute trop minots (20 ans de moyenne d'âge
!) pour avoir ne serait-ce qu'entr'aperçu un concert
des quatre de Manchester et entendu Ian Brown susurrer I'm
the resurrection...
Le groupe maîtrise malheureusement un peu moins bien
les baisses d'adrénaline : les morceaux plus calmes
de l'album, exception faite de Too high, restent en
retrait, englués dans des mélodies et des arrangements
moins évidents, éveillant le lointain souvenir
d'un (mauvais) U2. Si The Music se donne un jour la peine
d'écrire de vraies ballades pour guitares sèches,
c'est Radiohead qui aura du souci à se faire...
The
Libertines : Rock the Kasbah
Face
à l'arrogance yankee des Strokes et consorts énervés
d'outre-Atlantique, l'Angleterre se devait de rappeler que
le punk est né sur ses terres et, que, à l'exception
du météore Nirvana, elle peut en revendiquer
tous les fleurons. Prenez quatre mauvais garçons plutôt
fiers de l'être et particulièrement doués
dans l'écriture de bombes sonores d'à peine
3 minutes. Collez-leur Mick Jones, ancien guitariste de The
Clash, comme coach-producteur et vous obtenez " Up the
Bracket ", premier album qui a suffi à les propulser
champions de leur île.
" Up the bracket " est un disque nerveux et arrogant,
mais entêtant et jouissif comme une mauvaise démangeaison.
Le gros refrain de The Good old days en est l'hymne
: quatre accords rugueux comme une pierre ponce, adoucis de
nappes de choeurs. Le single éponyme, Up the bracket
n'est pas en reste, exercice programmé de cassage de
voix, qui vire en fait en démonstration du talent mélodique
des quatre agités. Clin d'il, à la fin
du morceau, quelques notes de guitare rappellent l'intro du
premier single du groupe What a master, qui ne figure malheureusement
pas sur l'album. D'autres titres comme Tell the king ou
Time for heroes, le nouveau maxi sorti en février,
explorent cette veine pop que le groupe épice toujours
d'un son de guitare bien sale.
Les Libertines débarquent en Europe au printemps, précédés
d'une réputation à rendre jaloux une bande de
repris de justice. Toutes les salles tremblent déjà.
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Mathieu
Lebeau
mars 2003 |
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