A
l'affiche de vos salles de cinéma la comédie de
Danièle Thompson : Décalage horaire. Une
histoire d'amour. Encore. Résumez l'histoire ?Allons-y.
Elle,
Juliette Binoche, esthéticienne (ou sa caricature :
c'est une comédie !) fuit son petit ami (Sergi Lopez)
dont la plus grande joie a été de l'obliger
à avorter, pour un ailleurs où exercer son métier.
Lui,
Jean Réno cuisinier célèbre en Amérique,
en transit en France où il ne songe pas à aller
saluer son père avec lequel il est fâché.
Le personnage est stressé, en proie à des crises
d'angoisse, hypocondriaque et à ce titre plein de manies.
Insupportable donc. Loin du gendre idéal pour le dire
autrement.
Ces
deux êtres humains apparemment sans rapport possible
(J. Lacan : " Il n'y a pas de rapport sexuel ")
se trouvent mis en présence l'un de l'autre par un
lieu : l'aéroport où une grève les retient
au sol et par un objet : le téléphone portable.
Cet objet les établit comme couple avant qu'ils n'en
soient un (J. Réno prête son portable à
Juliette qui a perdu le sien. En appelant sa famille, elle
leur livre le numéro qui s'affiche et ils s'en serviront
à loisir tout au long du film) et les confirme dans
leur sentiment alors même que des kilomètres
les séparent.
La
scène qui déclenche l'action, l'exposition comme
on dit au théâtre, est celle où J. Binoche
se rend aux toilettes pour se repoudrer le nez. (quel meilleur
lieu pour caractériser une esthéticienne ?)
On voit notre héroïne (mais en est-ce une ?) baisser
sa culotte et faire pipi tout en téléphonant.
En se relevant, J. Binoche échappe son téléphone
dans la cuvette des toilettes Elle devra dorénavant
en emprunter un.
Le personnage féminin nous est ainsi présenté
de façon réductrice et triviale.
L'entrée en scène de Jean Réno est maintenant
assurée. Il détient un portable qu'il prêtera
à Juliette.
Enfin, cette scène symbolise une rupture. Le petit
ami de J. Binoche (Sergi Lopez) qui se réjouira de
l'avoir fait avorter et dont il est question au téléphone
se voit littéralement liquidé dans la chasse
d'eau des toilettes d'un aéroport ( le symbole de l'eau
sera récurrent au personnage de Juliette et toujours
son allié cf. scènes de la vinaigrette, de la
piscine
) La voilà donc libre
Comment cela aboutira ?
Rendez-vous dans vos salles de cinéma.
Ce
que j'ai retenu de cette histoire d'amour ?
C'est
le caractère péremptoire de l'amour, son illogisme
aussi. Découverte enthousiasmante, non ?. L'amour c'est
le moment où le corps a raison alors que la raison
a tort. Cette raison enfermante qui essaye de nous prouver
par A+B que ce n'est plus possible, que l'autre est insupportable
quand ces mêmes raisons n'ont pas empêchées
l'amour de naître. Ces détails qui agacent au
bout d'un temps de vie commune sont dans le film efficaces
dés le début (J. Binoche avec son miroir, sa
poudre, son bleu sur les yeux et la laque dont elle colle
abondamment ses cheveux ; J.Réno avec son stress, son
dégoût des odeurs alors qu'il est cuisinier
)
et n'empêchent pas l'amour. Cela les fondent en personnages
de comédie certes, mais ils sont moins drôles
que réels.
Cet élan de l'amour aussi à l'uvre dans
la création me réjouit en ce qu'il nous fait
exister au-delà de nous-mêmes, nous révèle
des zones de notre être qui échappent à
l'immédiateté de notre conscience. C'est l'assurance
que demain est imprévisible
Décalage horaire, c'est un élan communiqué
!
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Frédérique
Girin
Lyon - Décembre 2002 |
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