L'écrivain
Annie Ernaux, invitée d'honneur de la Fête du libre de Bron
2001, nous a accordé quelques instants d'entretien pour nous
parler de son dernier livre Se perdre, des médias et
des enjeux de son écriture.
Jean-Louis
Tallon - Pourquoi avez-vous éprouvé le besoin de publier Se
perdre qui est votre journal tenu pendant votre relation
avec S. alors que vous en aviez déjà parlé dans Passion
simple ? Pourquoi avoir apporté ce complément ? Aviez-vous
le sentiment de n'avoir pas tout dit auparavant?
Annie Ernaux - Non. Passion simple existe comme un
texte entier que les lecteurs, en un sens, se sont approprié.
Mais j'avais le sentiment que derrière Passion simple,
il y avait un autre texte, comme une sorte de palimpseste,
invisible, en filigrane. Un journal intime doit être publié
après la mort de son auteur. Pourtant, c'est manquer de courage
et de transparence d'attendre sa mort pour publier un tel
texte. Mais il n'y a pas la vérité d'un texte. Ce que j'ai
écrit dans Passion simple pouvait être dit autrement.
JLT - Voulez-vous dire qu'il y a toujours reconstruction
a posteriori ?
AE - Pas forcément. Tout ça, c'est la même chose et inversement.
Le texte qui s'appelle aujourd'hui Se perdre a été
préservé pendant plus de quatre ans. Je ne l'avais pas relu
auparavant. Un journal intime se relit souvent. Je ne relis
pas celui de mes 25 ans. Mais il peut arriver qu'on relise
les plus récents. Se perdre ressortait du néant. Je
l'ai relu et je me suis aperçue qu'il avait une unité, qu'il
était à la fois proche et éloigné de Passion simple.
Ce texte écrit sans souci d'aucun lecteur, ni de regard extérieur
m'a alors paru avoir un sens et une portée. Il faisait œuvre.
Dans la mesure où il était nourri d'une manière plus évidente
que dans Passion simple par les thèmes du sexe, de
l'écriture et du temps. Mais dans Se perdre, ces thèmes
sont traités avec une notion d'instantanéité. Je ne connais
pas la suite au moment où j'écris et le lecteur ne peut pas
non plus prévoir ce qu'il va se passer. Car le journal intime
ménage l'imprévu.
JLT - Vous partagez un instant que vous avez vraiment vécu
avec le lecteur alors que dans Passion simple il y
a un écart…
AE - Une distance, oui.
JLT - Comment avez-vous redécouvert votre journal ? L'aviez-vous
totalement oublié ? L'avez-vous retrouvé par hasard ?
AE - Non. Sans l'avoir lu, quelqu'un m'avait demandé
d'enfermer ce journal pour que je ne puisse pas le relire.
Passion simple lui avait suffit et il ne voulait plus
entendre parler de cette ancienne relation. J'ai accepté par
amour. Plus tard, après ma rupture avec cette personne, je
me suis autorisée à ressortir ce journal, à le taper sur ordinateur
et, là, il m'a sauté à la figure. C'était à la fois mon journal
et celui d'une autre. Et comme tous mes autres livres,
Se perdre, m'était devenu étranger.
JLT - Vous êtes un auteur à succès. Je rappelle
les chiffres : 500 000 exemplaires vendus pour La place,
450 000 pour Une femme, 300 000 pour Passion simple.
Ces chiffres comprennent les sorties et les parutions en livre
de poche. Est-ce que cette notoriété vous pèse ?
AE - Ah non ! Je n'aime pas le mot de " notoriété ", mais
être lue, c'est important et ce n'est pas du tout pesant.
JLT - Vous avez obtenu le prix Renaudot en 1984. Que pensez-vous
des prix littéraires ?
AE - Ils sont une manière de faire connaître un livre, de
savoir si ce livre vaut la peine d'être connu. C'est très
variable suivant les années. Les prix ne sont ni mauvais,
ni bons. Ils ne sont pas non plus seulement une affaire d'éditeurs
même si ce sont les mêmes qui les obtiennent. Pour les maisons
d'édition, c'est une question d'argent.
JLT - Comment vivez-vous la surmédiatisation des écrivains
aujourd'hui ?
AE - Il semble y avoir effectivement une sorte de phénomène
où chaque année, il faut un nouvel écrivain comme Marie Darrieussecq,
Christine Angot ou Virginie Despentes. Comme beaucoup d'écrivains,
je n'ai pas connu ce type de phénomène qui peut être dangereux.
Il peut être très lourd à supporter et finalement certains
écrivains risquent de ne pas comprendre que l'on se détourne
d'eux parce que d'autres écrivains font, à leur tour, l'actualité
. Le phénomène d'hyper médiatisation ne se reproduit généralement
pas de la même façon. Marie Darrieussecq, par exemple, a écrit
deux textes supérieurs à Truismes mais ils ont eu moins
de succès. Elle doit avoir assez de force pour vivre cette
situation. Car c'est certainement déstabilisant. Une sociologue
a écrit un livre passionnant, intitulé l'Epreuve de la
grandeur. Il étudie les gens qui ont eu des prix. J'avais
été interviewé à cette occasion. Mais il pourrait y avoir
une autre étude sur " L'épreuve de surmédiatisation ". Ce
phénomène, plutôt récent, n'est pas encore bien compris.
JLT - " Quelquefois, en écrivant ce livre, il m'arrivait
de penser que, un jour, il allait être publié, qu'on me demanderait
d'en parler. " Vous avez écrit ces lignes dans " Recherche
d'une mère ". Comment vivez-vous ces moments où il faut parler
d'un livre ?
AE - C'est nécessaire. De cette manière, votre livre ne vous
appartient plus du tout. Il devient objet. Il est loin de
soi et l'on peut ainsi passer au livre suivant. Mais quand
j'en parle, je suis consciente d'en dire des choses pauvres.
JLT - Oui, rien ne remplace le livre. Le fait d'en parler
est-il un éparpillement ?
AE - Au départ, non. Mais quand La place et l'obtention
du prix Renaudot m'ont obligé à m'exposer, je finissais par
le vivre douloureusement, comme une sorte de totale dépersonnalisation.
J'étais " celle qui a écrit La place ". Aujourd'hui,
je vis sur un mode plus tranquille. Claude Roy, à cette occasion,
m'avait d'ailleurs dit : " Vous avez eu un prix. C'est
bien. Maintenant, vous allez pouvoir écrire tranquillement.
" Il avait raison. J'ai aussi pu écrire en toute quiétude
car j'ai un métier. Je suis professeur et n'ai donc pas besoin
de publier pour vivre.
JLT - Comprenez-vous les écrivains qui refusent les interviews,
qui se cloîtrent ?
AE - Ils ont sans doute leurs raisons. Je ne critique pas.
Le lecteur peut néanmoins ressentir une certaine frustration.
Le public a besoin d'avoir un contact avec les écrivains même
s'il est parfois superficiel.
JLT - Vous avez participé aux émissions de Bernard Pivot,
de Bernard Rapp. Comment vivez-vous ce genre d'émissions ?
AE - Très mal. Ce n'est pas comme rencontrer un lecteur
! Passer à la télévision est un exercice délicat. Apostrophe,
Bouillon de culture ou Caractères sont des émissions
très ritualisées. Vous entrez dans un cadre, avec un temps
de parole définis, un déroulement immuable. C'est comme un
examen. Vous en connaissez le déroulement mais vous ne connaissez
ni les questions et encore moins les réponses !
JLT - Vous ne connaissez jamais les questions à l'avance
?
AE - Non. Et même si c'était le cas, les invités sont là et
peuvent brouiller le jeu. Et puis il y a une dimension supplémentaire
qui n'apparaît pas à la radio : le corps. Au moment où la
caméra tourne, j'ai brusquement l'impression d'être nue, un
peu comme si l'on m'exhibait. Ma pudeur est là, à la télévision.
Et pourtant la télévision représente la puissance de consécration
et le pouvoir d'aider.
JLT - Comment vous est venu le goût de l'écriture ?
AE - Je ne sais pas. J'ai commencé mon journal intime à l'âge
de seize ans. J'écrivais pour moi. Mais à vingt ans, j'ai
compris que mon souhait le plus fort était d'écrire.
JLT - Quels sont les auteurs, les livres qui vous ont marquée
étant enfant ou adolescente ?
AE - Il y en a tellement… La nausée, de Sartre, Les
raisins de la colère de Steinbeck, Autant en emporte
le vent, de Mitchell et puis une quantité incroyable d'ouvrages
de la littérature féminine.
JLT - Comme ceux de Simone de Beauvoir ?
AE - Non. Je n'avais lu que son essai : Le deuxième sexe.
Je m'intéressais aux jeunes auteurs que publiaient les éditions
Julliard : Françoise Sagan, Michèle Perrin, dont on parle
peu aujourd'hui, Françoise Mallet-Jorris. Je me tenais au
courant de ce qui s'écrivait à mon époque. Ce n'était pas
ordinaire quand on se trouvait dans une école religieuse.
Je m'étais inscrite à une bibliothèque. Je voulais savoir
ce qui sortait. Selon moi, les textes d'écrivains vivants
me paraissaient plus porteurs. Adolescente, j'ai lu également
beaucoup de poésies. J'ai même écrit des poèmes. Là, j'ai
compris qu'il me faudrait parler du temps. Mais le temps est
le centre du récit. La poésie, c'est l'instant. On peut parler
du temps dans un poème mais on ne le fait pas sentir sur une
durée. Le temps, l'histoire sont des notions qui dépassent
le cadre du poème
JLT - Pour devenir écrivain, passer à l'acte d'écrire,
pensez-vous qu'il soit nécessaire de porter une déchirure
originelle ?
AE - Tout le monde peut passer à l'acte d'écrire. Mais continuer
d'écrire, construire une œuvre appelle une blessure originelle.
Même si on ne la perçoit pas toujours.
JLT - Doutiez-vous de vous quand vous avez commencé à écrire
?
AE - Pas à 20 ans. Mais après, oui. A cause du refus de mon
premier manuscrit. Ensuite, j'ai traversé une période difficile.
J'ai commencé à travailler dans l'enseignement. Je me suis
relancée dans l'écriture dix ans plus tard. Mais c'était devenu
quelque chose de vital. C'était vivre ou mourir.
JLT - Vous êtes-vous sentie proche de certains courants littéraires
quand vous avez commencé à écrire?
AE - Oui. Du nouveau roman. Je me souviens avoir lu à l'époque
Une curieuse solitude de Philippe Sollers, Un dîner
en ville de Claude Mauriac ou la Modification de
Michel Butor. Toujours cette quête de la littérature vivante…
JLT - Jean Rouaud raconte qu'il a éprouvé de nombreuses
difficultés à " s'autoriser à écrire ". Il se sentait, d'une
certaine manière, complexé face aux grands monuments de littérature.
Il cite notamment Claude Simon. Comment écrire avec tout ce
poids de la littérature derrière soi : avez-vous éprouvé ce
sentiment ?
AE - Pas du tout. J'ai suivi des études de lettres car je
désirais écrire. C'était une manière d'étudier les textes
des autres. Je n'avais pas du tout peur.
JLT - Entre professeur et écrivain, n'y a-t-il pas une
certaine incompatibilité ?
AE - Au contraire. Le travail du professeur est justement
de démonter les textes. Il permet de se familiariser avec
la chose littéraire. Par ailleurs, l'enseignement m'a permis
de me poser des questions très fructueuses et de confronter
certaines théories littéraires.
JLT - Quand écrivez vous ?
AE - Tôt le matin. A la fraîche.
JLT - Où écrivez-vous ?
AE - Au bureau.
JLT - Vous n'allez pas au café pour écrire ?
AE - Ah, non, je déteste le bruit.
JLT - Lisez-vous beaucoup ?
AE - Moins qu'avant. Quand on écrit, on lit moins. C'est une
activité prenante.
JLT - Vous vous immergez complètement quand vous écrivez
?
AE - Oui. C'est l'immersion totale.
JLT - Pour être écrivain, faut-il avoir forcément beaucoup
lu ?
AE - Il y a un minimum. Sans aller jusqu'à l'érudition totale…
JLT - Quels musiciens appréciez-vous ?
AE - Bach, notamment. J'apprécie également la musique sacrée.
J'ai découvert la musique sur le tard : à 20 ans. Je suis
donc restée " très classique ".
JLT - Quels peintres aimez-vous ?
AE - Pas la peinture abstraite. En revanche, je suis très
sensible aux peintures d'Egon Schiele, d'Edward Hopper et
à celles des surréalistes, comme Delvaux ou Magritte. Je les
ai découvertes durant mon année de Maîtrise quand je travaillais
sur " la femme et l'amour dans le surréalisme ". Et comme
ce courant littéraire s'est intéressé à la peinture…
JLT - Allez-vous souvent au cinéma ?
AE - Assez oui.
JLT - Quel film avez-vous vu dernièrement?
AE - Sous le sable, me semble-t-il. J'ai beaucoup aimé
In the mood for love ou Yi Yi, sans oublier
les Glaneurs et la glaneuse, un documentaire portant
sur les sœurs Papin.
JLT - On dit que vous avez une écriture " plate ", c'est-à-dire
" sans fioritures, sans volonté de faire du style ". Est-ce
la seule écriture capable de transcrire l'acte de mémoire,
de tracer les souvenirs sans les abîmer ?
AE - Non, cette écriture cherche à transcrire la violence
de la réalité. Pour la faire partager au lecteur. Dans mon
avant-dernier livre, j'ai appelé cela l'effarement du réel.
JLT - Dans Une femme, vous écriviez : " Ceci
n'est pas une biographie, ni un roman naturellement, peut-être
quelque chose entre la littérature, la sociologie et l'histoire.
" Aujourd'hui, arrivez-vous à mieux définir ce " quelque chose
" ?
AE - A chaque fois, mes livres, comme Se perdre, résultent
d'explorations voulues ou non et j'utilise des outils exploratoires
comme la mémoire, la prise en compte de l'Histoire, du milieu
social, etc…
JLT - Nous ne sommes pas loin de l'univers proustien…
AE - C'est la même démarche même si je n'utilise pas de phrases
fondées sur la métaphore.
JLT - L'expression " écriture plate " est-elle de vous
?
AE - Oui. Je l'ai écrite dans la Place. Et tout le
monde s'est jeté dessus. " Si elle le dit… " [rires]
JLT - Pourquoi écrit-on un journal intime ?
AE - Ah, rude question ! Pour ma part, je l'ai commencé à
cause d'un chagrin d'amour. C'était un 23 janvier. Ce soir-là,
je n'ai pas pu me rendre à un bal, comme on en faisait autrefois,
avec robe longue… Ma mère n'avait pas voulu. C'était l'époque
" premier bal, premier bac ". Je connaissais un garçon. J'en
étais à peu près aussi folle que S. dans Se perdre,
même si ce n'était pas sur un plan physique. Par désespoir
de ne pouvoir le rejoindre, j'ai commencé à écrire mon journal.
Je m'en souviens, j'avais pris un cahier clairefontaine, à
la couverture jaune-orange.
JLT - Avez-vous conservé ces premiers journaux ?
AE - Non. Ma mère a détruit ceux qui couvraient la période
de 16 à 22 ans. Toute cette partie est manquante.
JLT - Savait-elle ce qu'ils contenaient ?
AE - Oui, certainement. Je les avais laissés chez elle.
Elle a déménagé et est venue vivre chez nous, mon mari, moi
et mes enfants. Sans apporter mes journaux. En revanche, il
y avait tous mes livrets scolaires, mes cahiers de lycée mais
je n'ai pas osé lui demander ce qu'étaient devenus mes autres
cahiers. Elle avait dû penser que tout ce que je pouvais raconter
avant mon mariage ne comptait pas. Je n'avais pas encore publié
mais avec la perte de ces cahiers, j'avais perdu une partie
de moi-même. C'est ma faute, je n'aurais pas dû les laisser.
JLT - Pourquoi décide-t-on de publier un journal intime
?
AE - Je les publie quand il y a eu un livre avant, un autre
récit. Avant Se perdre, il y avait eu Passion simple
; avant Je ne suis pas sortie de ma nuit, j'avais écrit
Une femme. Je publie d'abord un ouvrage allant davantage
vers l'universel et ensuite je me sens en droit d'en publier
le substrat.
JLT - Ecrivez-vous " pour communiquer avec les autres
" ?
AE - En un sens. Mais je ne communique pas avec le lecteur,
car celui-ci ne me répond pas. En fait, je partage une expérience.
Simone de Beauvoir a écrit, me semble-t-il : " Faire advenir
une vérité dans le monde ". C'est tout à fait ça. J'essaye
d'apporter quelque chose qui n'y était pas. C'est tout l'orgueil
de l'écriture.
JLT - Vous n'avez jamais eu envie d'écrire une fiction
totale sans trahir votre désir - je vous cite - de " tenter
de dire et d'éclaircir la vie (…) pour peut-être mieux la
dominer " ?
AE - Non. Sincèrement, je ne crois pas. Sauf cette amorce…
J'avais en effet commencé un texte lié au genre de la science-fiction.
Ca vous étonne, n'est-ce pas ?
JLT - Oui et non. Vous prenez soit le parti du réel, soit
son parfait contraire : l'imaginaire total. Cette démarche
me paraît cohérente. C'était pour écrire les mêmes choses
?
AE - Pas du tout. Mais vous n'en saurez pas plus [rires].
JLT - Comment jugez-vous le paysage littéraire actuel ?
AE - Je vais vous faire une réponse de normande. Ni
bon, ni mauvais. Néanmoins, aujourd'hui, la littérature se
présente assez peu comme " action sur le monde ". Je ne sais
pas pourquoi. Je constate seulement.
JLT - Une chose m'a surpris dans vos ouvrages comme
la Honte ou Une femme : ce sont les parenthèses.
Pourquoi cet usage ?
AE - Pour expliquer la situation. J'ai le souci didactique
de commenter et ainsi de désacraliser l'écriture. Cette démarche
est dûe au fait d'avoir enseigné. L'écriture ne vient pas
de nulle part mais d'une problématique qui ne rompt pas le
discours. Claude Roy m'avait dit, à propos de la Place
: " Vos parenthèses sont des chichis d'intellectuelle
". Mais je n'avais pas envie de corriger quoi que ce soit.
Les parenthèses ne sont pas accessoires, elles sont nécessaires
et font partie de mon écriture
JLT - Vous vous référez au drame de Sarajevo à la fin de
la Honte. Pourquoi cette incursion ?
AE - Parce que j'écrivais au moment où se déroulaient ces
événements. Je compare la honte personnelle et la honte médiatique.
L'actualité interfère souvent dans mes livres. L'écriture
est un acte plein, total et influe sur ce qui se passe au
moment où j'écris.
JLT - Vous êtes enseignante. Comment jugez-vous le monde
de l'enseignement aujourd'hui ?
AE - Il y a une inadéquation des contenus et de la forme avec
les élèves. Dans les années soixante-dix, on a essayé de changer
les choses. Mais cette époque me semble assez révolue. Même
si certains professeurs se démènent. Les sources de savoir
apparaissent de tous côtés et l'école semble de plus en plus
décalée. Et pourtant l'école est nécessaire pour la rigueur.
Quand j'enseigne au CNED, mon credo est toujours celui de
Breton : " Aimer d'abord, il sera bien temps de savoir
pourquoi on aime ".
JLT - Vous avez écrit sur votre père, sur votre mère. Sur
qui aimeriez-vous écrire encore?
AE - Pas sur mes enfants. En revanche, j'ai un projet en cours
qui retracerait d'une certaine manière cinquante ans d'histoire
mais il a une forme très particulière. Je ne peux pas encore
en parler.
JLT - Souhaiteriez-vous écrire sur votre sœur ?
AE - Non. Je ne sais presque rien sur ma sœur. C'est un trou
dans ma vie, rien d'autre. C'était avant que je naisse. Les
conséquences me dépassent. Même si c'est une sensation étrange,
d'avoir existé parce que quelqu'un est mort.
 |
Propos
recueillis par Jean-Louis Tallon
Mars 2001 |
|