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Kent - photo horpress Rencontre avec l'écrivain chanteur Kent...
    
Jean-Louis Tallon - Une chanson, c'est le résultat de l'alchimie entre un texte, une musique et une voix. Et je trouve la vôtre particulièrement émouvante. Pourtant vous avez dit que vous étiez complexé par rapport à votre voix. C'est-à-dire ?

Kent - Je n'étais pas complexé au tout début de ma carrière, lorsque j'étais avec mon groupe Starshooter. J'ai véritablement commencé à me poser des questions et à faire attention à ma voix lorsque je me suis retrouvé seul sur scène, car, en toute sincérité, je ne me trouvais vraiment pas bon. Il y avait donc là quelque chose dans
l'identification qui pouvait faire défaut.

JLT - Etre chanteur, pour vous, c'est quoi ? C'est être comme le dit Marc Pinta-Tourret dans la postface de votre dernier livre, Zones sensibles, un " porte-voix ", un " chercheur d'hommes " ?

K - Etre chanteur, c'est être plutôt un haut-parleur. On exprime sur une scène ce que ressentent confusément les personnes qui viennent vous voir.

JLT - Etre chanteur, c'est être poète ?

K - Non. On peut être chanteur et " beau et con à la fois ".

JLT - Etes-vous du genre à observer les petites choses de la vie ?

K - Oui, c'est ce qui m'intéresse en premier lieu.

JLT - Dans l'album Cyclone vous célébrez " Les petits métiers ". Pourquoi ? C'est une expérience qui est restée marquante pour vous ?

K - Ce n'est pas le problème. Les petits métiers représentent 90 % de la vie quotidienne. Aujourd'hui, l'actualité a focalisé notre attention sur le thème de la réussite et donne l'impression que le monde entier tourne grâce aux métiers de pointe. C'est totalement faux. Lorsque les gens qui exercent ces soi-disant métiers de pointe ont faim, ils sont bien obligés de descendre de leur immeuble et d'aller s'acheter un sandwich au seul restaurant kebab qui se trouve au coin de la rue. Et si ce restaurant n'était pas là, où irait-il ? Dès qu'ils quittent leur bureau, quelqu'un vient passer le balais, nettoyer les vitres, etc… Le monde entier vit de petits métiers. Il y a vingt ou trente ans, je pense que le terme de petits métiers était mieux perçu et correspondait à une autre réalité sociale : il décrivait peut-être des jobs mal rémunérés mais, d'une certaine manière, plus reconnus : comme travailler sur un marché, décharger le camion d'un forain… Aujourd'hui, ce sont tous les métiers dont on ne parle pas, que l'on passe sous silence.

JLT - Vous avez évoqué Lyon, votre ville natale, à maintes reprises dans vos chansons. Aujourd'hui vous habitez Paris. Malgré l'éloignement, l'atmosphère lyonnaise est-elle restée présente en vous ?

K - Oui, bien sûr. Où que l'on aille, on emporte avec soi l'endroit où l'on est né. Et cela toute sa vie. Et même si on essaye de le dissimuler, de jouer un rôle ou de se prendre pour quelqu'un d'autre…

JLT - Votre dernier album Cyclone, sorti l'année dernière, est placé sous le signe du grand ouest, sous le signe des Etats-Unis…

K - C'est vrai, d'une certaine manière, car le disque avait été enregistré là-bas. Cela nous avait donc effectivement permis de prendre quelques photos " exotiques ". Mais je crois qu'il m'ait arrivé de signer, par le passé, des disques plus " américains " en restant chez moi. Je ne dirais donc pas que Cyclone " est placé sous le signe du grand-ouest ". D'ailleurs, les musiciens américains qui ont joué sur cet album avaient l'impression d'interpréter une musique exotique. Certes, il y avait deux ou trois rocks mais le reste c'était déjà pour eux de la world music [rires].

JLT - Vous avez souvent été catalogué comme chanteur de " chanson française ". L'étiquette vous plaît ou vous agace ?

K - Tout dépend qui on range derrière l'étiquette " chanson française ".

HP - Par exemple, Yves Montand, Jacques Brel, Georges Brassens… Léo Ferré…

K - Que puis-je dire ? Sinon que ce sont des références qui constituent une identité, dont on prend justement conscience quand on va enregistrer dans un pays comme les Etats-Unis, par exemple. On intrigue, on provoque de la curiosité, on impose le respect. En revanche, quand on décide de laisser cette identité de côté et qu'on essaye d'imiter un genre qui n'est pas le notre, on nous regarde comme des pingouins, on prête à sourire.

JLT - Pourquoi avez-vous éprouvé le besoin d'écrire un recueil de poésie ?

K - Par amour des mots.

JLT - Pourquoi de la poésie érotique ?

K - Par amour de l'amour [rires].

JLT- Pensez-vous que la sensualité et l'érotisme se perdent aujourd'hui, à l'heure d'Internet et de l'information généralisée ?

K - Non, mais ça se galvaude, en partie à cause des médias qui font un peu trop de marketing. Le sexe fait vendre alors on en met partout.

JLT - Pensez-vous qu'il y ait aujourd'hui des sentiments qui se perdent ?

K - La générosité. C'est tout mais c'est beaucoup…

JLT - Etes-vous quelqu'un qui cherchez à jouir de la vie ?

K - Oui !

JLT - Dans tous les sens du terme ?

K - Oui !

JLT - Marc Pinta-Tourret, dans sa postface de votre recueil de poésies, citant Léo Ferré, écrit : " Toute poésie destinée à n'être que lue et enfermée dans sa typographie n'est pas finie ". Alors, la votre, est-elle finie ou pas ?

K - J'aime bien cette citation. Selon moi, un sonnet ne peut pas être mis en musique ou difficilement. Et le fait que j'ai souhaité les faire apparaître dans ce recueil sous-entend, pour moi, que ces sonnets ne manquent de rien… qu'ils sont donc finis, pour répondre à votre question.

JLT - Un de vos textes s'appelle Oreille percée ? C'est un clin d'œil ?

K - A quoi ?

JLT - A l'oreille cassée…

K - Ah, non, pas du tout. Et en l'occurrence, il ne s'agit pas d'une statuette mais bien d'une femme [rires].

JLT - Dans la section " Music sonnets " de votre recueil Zones sensibles, vous tentez de décrire en poèmes les effets que vous procure l'écoute de la musique. N'est-ce pas une démarche vaine ? La musique ne se suffit-elle pas à elle-même ?

K - Non. Ca m'a beaucoup intéressé de " décrire ", comme vous dites, les sensations qu'éveillent la musique. C'était aussi un exercice de style tant dans la forme que dans le fond. Ca revenait à se dire : " Tiens ! Qu'est-ce que je ressens quand j'écoute de la musique, quand je mets un disque ? Quel est ce plaisir que j'éprouve ? Comment le définir par des mots ? " J'aurais pu écrire des textes en prose, mais le sonnet m'a paru mieux convenir. Je n'ai pas l'impression d'avoir fait un bilan mais d'avoir créé quelque chose.

JLT - A partir de quelle musique justement ?

K - Peu importe. Seul compte l'émotion provoquée par telle ou telle musique.

HP - A part la chanson, quel genre de musique aimez-vous ?

K - J'aime presque tout. En fait, je suis sensible à la musique du 20ème - et du 21ème siècle - dans son ensemble. Quel que soit le genre.

JLT - Quel est votre idéal ?

K - J'ai des idéaux d'instant : effectuer un voyage idéal, passer une journée idéale… Quand je vais au restaurant, je me dis qu'une soirée idéale devrait se passer de telle manière. Et après coup, si ça a été le cas, c'est bien. D'un autre côté, atteindre un idéal, c'est déjà se priver, se limiter.

JLT -Vous vous sentez épicurien ?

K - Complètement.

JLT - Y a-t-il des choses qui vous effraient dans le monde actuel ?

K - A peu près tout [rires]. Je déteste surtout la vision uniforme et libérale de nos sociétés contemporaines. Selon moi, on fait fausse route, mais on continue à fermer les yeux car ça rapporte de l'argent. Et que faire ? A part jouer les sémaphores et dire " arrêtez, arrêtez ! "… Pour ma part, je n'ai pas de méthodes. Mais je suis très attentif aux gens qui ont des idées dans ce domaine là.

JLT - Votre dernier disque m'a semblé évoquer l'idée du voyage…

K - Comme à peu près tous mes albums.

JLT - Est-ce cela qui a justifié le titre " cyclone " ?

K - Non. " Cyclone " était le nom de l'attraction devant laquelle j'ai posé pour les photos de l'album. Quand j'ai vu les clichés, j'ai aperçu le nom de " Cyclone " et je me suis dit que cela ferait un bon titre d'album.

JLT- Est-ce important de voyager ?

K - C'est important.

JLT- Peu importe qu'il s'agisse de voyager physiquement ou dans sa tête ?

K - C'est bien de voyager dans sa tête, de rêver, mais il faut surtout voyager physiquement, se déplacer, ne serait-ce que pour se situer et savoir quelle identité on a. On n'est réellement lyonnais qu'en Louisiane ou en Indonésie…

JLT - Dans vos chansons, vous semblez porter un regard détendu sur un monde qui n'est pas parfait.

K - A force de ratures… [rires]

JLT - Je voulais savoir si vous êtes plutôt du genre en résistance face à la vie ou naïf, prêt à prendre de nouveaux coups ?

K - Ah, naïf ! C'est important, la naïveté. La mémoire sert à oublier les mauvais coups.

JLT - L'un des mots qui revient souvent dans vos chansons, plus que chez d'autres chanteurs, serais-je tenté de dire, c'est le mot " homme ".

K - Je suis un homme !..

JLT - Ok. Mais vous sentez-vous humaniste ou tout simplement humain ?

K - Humain, c'est évident… En revanche, j'ai du mal avec le mot " humaniste ". Il est lourd à porter… Pour être humaniste, il faudrait que je sois pétri de ce genre de sentiments vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Or ce n'est pas le cas. D'autant plus qu'il y a même quelques moments où j'éprouve une profonde haine envers l'humanité…

JLT - En qui ou en quoi croyez-vous ?

K - Je crois en l'homme bon malgré tout. Je le trouve stupide car il attend toujours que soit tirée la sonnette d'alarme pour évoluer, mais, au fond, il évolue quand même. On peut dire que la guerre en Bosnie ou celle qui se déroule actuellement en Afghanistan ne change rien des guerres barbares des siècles antérieurs. Tout simplement parce qu'il y a en toujours qui encouragent ce genre de crimes. Mais, parfois, l'homme dépasse la barbarie, se débarrasse des dogmes : bref, il devient intelligent.

Propos recueillis par Jean-Louis Tallon
28 octobre 2000 à la librairie le Passage, à Lyon
 
Kent - photo horpress
 
 
Cyclone (2000)
 
 
Un autre occident
 
 
Zones sensibles (2000)
 

Amours propres (1983)
le Mur du son (1987)
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D'un autre occident (1993)
Nouba (1996)
Enfin seuls ! (1999)
Cyclone (2000)


Sales amours, BD (1982)
African Night Flight, BD(1984)
l'Enfer blanc, BD(1985)
les Nouilles froides, roman (1989)
Un été pourri, roman (1990)
Des gens imparfaits, roman (1995)
Quelque chose de beau, roman (1998)
Zones sensibles, poésie (2000)


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