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A la découverte de l'artiste iranienne SHIRIN NESHAT à l'occasion de l'exposition présentée au château Rivoli à Turin

Shirin Neshat est à ce jour l'artiste iranienne la plus connue en Occident. Mises en avant par le débat né ces derniers mois autour de l'Islam, ses oeuvres paraissent régulièrement dans la presse de nos pays. Son travail caractérisé à la fois par une recherche sur les rôles et les relations entre les sexes et par une attention spéciale au corps et aux façons qu'il a de se montrer et de se cacher, concrétisé par les images de visages voilés, d'espaces désertiques et d'écritues arabes a pour nous une parfum inconfondable d'Orient musulman.


Mais Shirin Neshat est-elle vraiment une artiste iranienne ? Est-elle représentative de la culture iranienne d'aujourd'hui alors qu'elle vit aux Etats-Unis depuis 1974 quand, à l'âge de 17 ans, elle rejoint l'Université de Berkeley pour y suivre des études d'Art ?
Sa formation artistique semble donc être essentiellement occidentale, de même que les instruments à travers lesquels elle s'exprime, à savoir la photographie et les vidéos, et seule l'importance donnée à la décoration renvoie dans l'imaginaire contemporain aux arts orientaux.

Cependant, le tournant dans sa production artistique est bien lié à son retour en Iran en 1990
, après 11 ans d'exil causé par l'instauration en 1979 du régime islamique des Ayatollah.
Le retour dans sa patrie signifie pour Shirin Neshat la découverte d'un pays radicalement transformé. L'Iran est passé de la poursuite forcée d'une modernisation qui voulait l'assimiler, même culturellement, à l'Occident, à l'imposition d'un système social fait de règles anciennes désormais très éloigné des modes de vie d'une bonne partie de la population des villes.
Et c'est par-dessus tout la condition féminine qui a violemment choqué l'artiste, la poussant à témoigner à travers son art de l'horreur et de la souffrance des femmes iraniennes. Et, ceci, non pas par rapport à la liberté et aux droits des femmes occidentales, mais bien par rapport à la vie que ces mêmes femmes menaient quelques années plus tôt. Les écritures qui apparaissent sur les mains, sur les pieds, dans les yeux des women of Allah sont, en effet, des poèmes de femmes écrivains contemporaines, expression des sentiments et de la volonté de résister et de se battre pour leurs droits. Tout ceci a été seulement partiellement reçu par le public et la critique occidentale plus enthousiastes du côte à côte des armes et des voiles, ainsi que des broderies sinueuses de l'écriture arabe.

Pour cette raison, dans ses derniers travaux présentés au château de Rivoli - un espace toujours riche d'intéressantes expositions d'art contemporain et à quelques heures de route de Lyon - Shirin Neshat préfère utiliser les vidéos, dans lesquelles la succession des images et le son, la musique-poésie universelle, lui permettent de mieux faire passer son message.
Des quatres vidéos proposées à l'exposition seul Rapture, datant de 1999, renvoie directement à la poétique des premières photos de l'artiste, avec la représentation des mondes séparés des hommes et des femmes des sociétés musulmanes, réalisée par la juxtaposition de deux projections sur les murs d'une même pièce. Quant aux trois autres films, Possessed, Pulse et Passage, datant tous de l'an dernier, ils traitent de thèmes universels, comme la solitude, l'aspiration à dépasser sa condition d'être humain, la folie, d'un individu ou d'une masse, la mort.
Les images, comme toujours riches de pathos, sont désormais enrichies par l'emploi de la couleur et soutenues par une bande sonore qui a totalement remplacé les écritures et dont le rôle apparaît décisif pour communiquer de façon plus large le message de l'artiste. Dans ce sens est exemplaire la collaboration entre Shirin Neshat et Sussan Deyhim dans Pulse, où la puissance de la chanson, prise d'un texte du XIII° siècle, est telle qu'elle signe la conclusion du film bien après l'arrêt des images.
L'exposition de Turin, qui présente également une série de photos prises sur le tournage des vidéos, montre ainsi pleinement l'évolution de l'artiste vers le cinéma, avec lequel elle a en commun la volonté de raconter des histoires.
Shirin Neshat elle-même a déclaré à plusieurs reprises que son travail peut être aussi lu à la lumière de l'évolution du cinéma iranien contemporain, par le symbolisme poétique - né chez les cinéates de la nécessité de contourner les interdits imposés par le gouvernement et chez elle de la volonté de clarifier au maximum ses idées - et par le désir de traiter de thèmes minimes, comme les relations interpersonnelles et les problèmes du quotidien, de façon simple, en abordant des concepts universels tout en parlant de cas particuliers.
Le lien entre l'artiste et sa terre d'origine apparaît donc encore très fort si on le lit dans le cadre de la production culturelle iranienne, ainsi qu'à travers les faux amis que sont le voile et les calligraphies arabes et persanes. Au même moment elle n'interrompt pas le contact avec le monde occidental s'ouvrant ainsi à de nouvelles collaborations comme celle qui dans Passage l'associe au génie de Philip Glass. Shirin Neshat est donc une artiste iranienne, mais l'Iran fait partie du monde et peut-être le jour où il réouvrira ses frontières, découvrirons-nous que le dialogue entre cette vieille nation et l'occident ne s'est jamais vraiment interrompu.

Il reste une question que nous n'avons pas pu poser à Shirin Neshat au cours de l'avant-première pour la presse et que maintenant nous adressons aux lecteurs de Horspress : pourquoi travaille-t-elle toujours à Essaouira ? Est-il vrai que, dans cette ville marocaine, fondée par les Portugais et développée en médina, puis découverte par les artistes d'Europe et d'Amérique à partir des années soixante, elle a trouvé l'équilibre qu'elle cherche entre Orient et Occident ?

Mario Mainetti
Milan - Mai 2002

 

 
 
SHIRIN NESHAT - Soliloquy, 1999
 
 
SHIRIN-NESHAT passage 2001
 
 
 

 

Pour en savoir plus

 

 

 

 

 
 
 
 
 

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