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Tosca : d'amour et de mystère...
      
Qui a dit que les films d'opéra étaient morts ? Ou ridicules ? En tous les cas, Tosca de Benoît Jacquot, d'après l'opéra de Giacomo Puccini n'est pas de ceux-là. Servi par trois chanteurs-acteurs de talent (comme tous les seconds rôles, d'ailleurs), le réalisateur français réussit à signer un véritable film, un véritable moment d'art cinématographique là où ses prédécesseurs n'avaient peut-être fait qu'illustrer.

Je n'aurais qu'un seul conseil. Si vous ne savez pas quoi aller voir en ce moment au cinéma, précipitez-vous vers Tosca, le dernier film de Benoît Jacquot. Car c'est une réussite. Un plaisir visuel et une réjouissance sonore. Tosca est en effet un vrai film. Là où d'autres avaient failli ou à moitié réussi (bien que Frédéric Mitterrand(1) et, naturellement Joseph Losey(2) s'en soient approché), Benoît Jacquot parvient à composer une image à partir d'un genre autre, à partir d'une partition, d'une musique, d'une mise en scène imposée, évitant au passage les écueils de la transposition de l'opéra à l'écran.
On sait, pour l'avoir pratiqué, qu'un opéra porté au cinéma peut très vite devenir kitsch. Parce que l'on voit les mimiques des chanteurs dont l'habitude n'est pas de jouer en plein écran, parce que l'on sait qu'ils ne chantent pas en direct, bref que l'artifice scénique de l'opéra, grossi par la caméra et l'objectif, perd de son charme, est " dénaturé " et finit même par devenir ridicule. Les compositeurs peuvent s'appeler Mozart, Puccini, Bizet, rien n'y fait. C'est en partie pour cette raison que la bande annonce de Tosca, si vous l'avez vu, a pu vous faire sourire. Il est évident que cette dernière, placée entre celle de l'Emploi du temps de Laurent Cantet et de Ma femme est une actrice de Yvan Attal, apparaît comme un OVNI. Et pourtant… Et pourtant… Tout passe dans cette version filmique de la Tosca. Et on le comprend dès le début. Lorsque Benoît Jacquot décide de nous plonger dans la salle d'enregistrement de la Tosca en question.

Les noms des trois acteurs-chanteurs apparaissent en lettres rouges sur un fond pas tout à fait noir et blanc. En arrière-plan, l'orchestre et le chef qui, d'un geste, lance les hostilités. L'ouverture de Puccini arrive alors immédiatement tel un coup de poing. Viennent ensuite les personnages dont l'arrivée nous est toujours annoncée dans cette fameuse salle d'enregistrement : Roberto Alagna (le chevalier Mario Cavaradossi), Angela Gheorghiu (belle et très sensuelle Tosca) et surtout Ruggero Raimondi, grandiose, délicieux et monstrueux à souhait dans son rôle de Scarpia. Car s'il y est question d'art et de chanteurs, Tosca, le film, est bien joué par des acteurs, qui parviennent à servir l'écran sans jamais trahir l'opéra. En deux heures, vous avez tout : d'excellents chanteurs (le mot est faible) et de très crédibles acteurs qui savent aimer quand il faut aimer, souffrir quand il faut souffrir, mourir quand il faut mourir. Comme des artistes… Comme dirait Tosca.

Quant à la mise en scène de Benoît Jacquot, elle est inventive, c'est indéniable, et fait preuve de trouvailles, peut-être un peu trop utilisées parfois, certaines étant d'ailleurs plus heureuses que d'autres. Mais qu'importe. Mêler les scènes d'enregistrement et celles de l'histoire sont audacieuses et dépassent l'exercice de style : filmer les gestes du chef d'orchestre, Antonio Pappano, tenter de capter dans son regard, dans son attitude, dans ses mouvements du corps le pouvoir de l'interprétation, la transmission de cette interprétation et de son émotion ; montrer Ruggero Raimondi, en noir et blanc, en studio, se levant de sa chaise, le livret à la main, prêt à chanter, et, tac, plan suivant, il chante enfin, cette fois-ci habillé en Scarpia, l'œil inquisiteur et terrifiant, dans les décors de l'église Sant'Andrea della Valle . Il y a dans ce mouvement cinématographique une manière de saisir ce qui fait en partie l'essence de l'opéra, c'est-à-dire le chant. De même que filmer le silence des personnages. Focaliser l'attention sur leurs visages, tantôt torturés, tantôt amoureux, tandis qu'en voix-off, la musique comme la voix des chanteurs continuent à se faire entendre. Et enfin, prendre la liberté de ne plus filmer les acteurs pendant qu'ils chantent mais illustrer ce qu'ils chantent par des prises de vue extérieures (filmées en flou artistique), pas si mal. Alors, bien sûr, il y a peut-être quelques défauts par-ci, par-là, notamment ce remplissage du début du 3ème acte : peut-être un peu trop d'images pour faire joli, dont on cherche le sens profond, et ces séquences reprises du 1er et du 2ème acte et passées au ralenti. Une façon de décomposer… le jeu des acteurs… de montrer encore une fois l'artifice ?… Pas évident… Mais, enfin, c'est si peu comme reproche.
Car, assis dans son fauteuil, on vibre, au son des lamentos de Roberto Alagna, en voyant les yeux pleins d'amour de Angela Gheorgiu, on sourit devant la ruse de Scarpia. Bref, on est transporté et heureux d'assister à un spectacle qui finit par vous faire voir le monde peut-être un peu plus beau qu'il n'était deux heures auparavant.

Jean-Louis Tallon
Novembre 2001


(1) Frédéric Mitterrand avait en effet réalisé la version filmique de Madame Butterfly.
(2) Joseph Losey, quant à lui, réalisa une très belle adaptation de Don Giovanni, de Mozart. Avec déjà Ruggero Raimondi...

Tosca, de Benoît Jacquot d'après l'opéra de Giacomo Puccini
Produit par Daniel Toscan du Plantier et Euripide Productions
Avec Angela Gheorghiu, Roberto Alagna, Ruggero Raimondi
Chœur et orchestre de Covent Garden, direction de Antonio Pappano
Sortie : 14 novembre 2001

 
Angela Gheorgiu
 
 
Ruggero Raimondi
 
 
Roberto Alagna
 
 

Qui est Giacomo Puccini ?


Né en 1858 et mort en 1924, ce compositeur italien est principalement l'auteur de Turandot, de La Bohème et de Madame Butterfly. Ses œuvres caractéristique du vérisme font preuve d'une grande richesse orchestrale et harmonique.

 

 



Tosca (Emi Classics), avec Angela Gheorghiu, Roberto Alagna et Ruggero Raimondi Direction : Antonio Pappano

 


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