Librairies spécialisées (on en compte pas moins de quatre), bouquinistes, festivals, rencontres, ville-domicile de dessinateurs, ancienne capitale des super-héros en version française (avec feu les éditions Lug, qui éditèrent pendant une trentaine d'années les revues Strange, Titans ou Nova) : on peut dire que la bande dessinée occupe une place de choix à Lyon . Mais peut-être manquait-il un espace permettant de rassembler et de synthétiser toutes ces déclinaisons. C'est chose faite aujourd'hui avec l'installation du BD Fugue café.

Né il y a une vingtaine d'années à Annecy, sous l'impulsion de Jean-Jacques Roby, BD Fugue était au départ une librairie spécialisée, au sens classique du terme, mais parvenue au fil du temps à devenir une véritable référence pour les initiés ou les non-initiés aux univers multiples et parallèles du neuvième art. Fort de ce succès, Roby décide alors, il y a trois ans, d'adjoindre à sa librairie un nouvel espace, constitué de tables, de chaises, d'un comptoir : BD Fugue Café est né. Le succès est immédiat. Annecy fut la première étape, Lyon sera la deuxième. En juillet 2000, l'emplacement est acheté rue confort. Suivent alors les études architecturales.
Roby s'associe à Jacques Losserand (architecte de l'Eden Rock Café), avec qui il conçoit un immense espace de 400 mètres carrés : 300 consacrés aux bandes dessinées, aux objets dérivés, aux sérigraphies, 100 destinés à la mise en place d'un " vrai café bar ", histoire de " prendre un verre et une petite restauration ", le tout voué à la convivialité. " Le bar est un lieu de discussion, d'échange, de lecture des bandes dessinées qui sont mises à la disposition du public. C'est tout de même plus agréable de faire ça assis, autour d'une bonne tasse de café, plutôt que de rester debout dans une allée. " Quand on leurs demande ce qui les distingue d'une autre librairie de bande dessinée, les responsables de BD Fugue Café, pour toute réponse, n'hésitent pas à nous faire visiter l'ensemble des rayons, du premier au deuxième étage. On reste alors sidéré par le nombre de références. Ils sont tous là, rangés par thèmes, ordonnés, des plus au moins connus, de Tintin aux Trolls des troy, en passant par Akira et les Rubriques à brac. " Environ 15 000 références… " nous annonce-t-on au détour d'une contre allée. Avant de rajouter : " Ce n'est pas comme dans certaines librairies ou grands magasins où vous devez enjamber quarante lecteurs avant d'arriver à l'album que vous souhaitez feuilleter. Quand vous le trouvez ! "

La visite se poursuit. On entend au loin un percolateur. Encore quelques marches et nous voilà au bar. Quelques personnes sont déjà attablées. L'une tient en main un album qu'elle vient de découvrir. Une autre discute avec le jeune barman. On s'assoit quelques instants. Pour sentir l'atmosphère. On aperçoit en bas des escaliers une gigantesque vitrine exposant des figurines numérotées de Spiderman, Venom, Carnage, Hulk, quelques demoiselles de Manara, ou autres Corto Maltèse en réduction. On lève le nez : au plafond, suspendu, un avion imposant, que l'on croirait tout droit sorti de Spirou et Fantasio. Quelques planches sont également exposées.
D'auteurs consacrés ou plus confidentiels, voire inconnus du grand public. Car si le bar est un lieu de convivialité, il reste également un lieu de relais entre éditeurs et dessinateurs, dessinateurs et scénaristes, créateurs et publics. " De nombreux auteurs lyonnais viennent souvent chez nous. Notamment des jeunes qui ont envie de se lancer et à qui l'on donne la possibilité de présenter leurs bandes dessinées, à montrer leurs planches. L'autre jour, par exemple, trois dessinateurs se sont mis autour d'une table pour discuter d'un nouveau projet. Quant aux séances de dédicace, comme ailleurs elles permettent aux auteurs de rencontrer leurs publics et aux scénaristes, qui sont souvent les laissés pour compte dans le monde de la BD, de se faire connaître. Et quand je parle de scénariste, je n'évoque pas forcément le nom de Jean Van Hamme. Car le rôle de BD Fugue, s'il est éminemment promotionnel (nous sommes avant tout une librairie), il est aussi de conduire les clients vers une autre lecture et d'encourager la jeune création, notamment en région Rhône-Alpes, sans pour autant nous substituer aux éditeurs. " Avis aux amateurs…

Jean-Louis Tallon Propos recueillis par Nadège CAVIGIOLI et Jean-Louis TALLON juillet 2001